L’excitation est à son comble. Cette route vers le Sud n’est pas commune mais les paysages et la faune que nous pourrions rencontrer ont l’air fantastiques. S’il nous aura fallu du temps pour nous décider, c’était surtout pour une question de prix. Mais nous ne regretterons pas cette descente magique, riche en émotions et en rencontres. Nous vous racontons !
Ce ferry n’est pas comme tous les transporteurs de voyageurs. Au départ, c’est un cargo, transporteur de marchandises uniquement entre Puerto Montt (le milieu du Chili) à Puerto Natales (le sud du Chili). Entre canaux, haute-mers et Fjords, il longe la Patagonie du Sud en offrant de spectaculaires panoramas, la possible rencontre avec des baleines, des dauphins, des pingouins, des lions de mers ou encore des albatros et des condors. Cela a donc vite attiré les simples passagers à emprunter cette route en louant les cabines vides à des prix modestes. Aujourd’hui, les conditions sont bien meilleures et les prix forts élevés pour ce type de « croisière ». Nous n’avions jamais entendu ou lu de familles qui avaient fait ce voyage jusqu’à ce que nous croisions en Australie la famille « les Laubert font une pause » (https://leslauberfontunepause.wordpress.com/) qui n’en tarit pas d’éloges. En arrivant au Chili, nous nous renseignons de plus près. Les premiers prix annoncés (environ 2500 $ pour nous 4) sont prohibitifs et nous abandonnons l’idée. Puis, en avançant dans nos recherches nous découvrons que des négociations sont possibles, que la basse saison et le prix pour les enfants peuvent adoucir la note. Enfin, nous regardons les autres options pour rejoindre le sud. L’avion nous a vite séduit avec une offre à 47€, qui au moment de rentrer son passeport devient 240$ pour ceux qui n’ont pas de passeport chilien. Le bus prend 36 heures et atteint presque 200€ par personne. Cette option reste la moins chère, mais comme pour la première, il faut rajouter des nuits d’hôtel ainsi que des repas en sus. En nous rendant directement dans le bureau Navimag, nous verrons que l’option ferry nous amènera tranquillement (tout est compris) et surtout avec une expérience sans doute particulière, pour presque le même prix (1180 $ soit mois de 1000 €). Notre choix est fait et nous embarquons le soir-même.
Nous ne serons que 30 passagers et lors du transfert en bus vers le port, nous repérons déjà une dizaine de francophones. Les Mini-Flamants sont les plus jeunes et ce sont eux que l’on entend le plus! Nous montons à bord par l’arrière où toutes les cargaisons de marchandises et véhicules s’entassent suivant un savant Tetris. A priori, pas d’animaux à bord, ce qui devrait rendre le voyage plus agréable, même si une petite odeur nauséabonde et un peu de foin sont repérés en fond de cale. Le Lonely Planet nous avait dépeint un joyeux tableau des odeurs diffusées par les centaines de bestiaux au terme des 3 jours de navigation!
Étant peu de passagers nous avons été upgradés dans deux cabines avec fenêtre. Nous prenons place doucement et nous partons dans la foulée. Les lions de mers sont là pour nous saluer. Le babyfoot pour les uns et le coucher de soleil pour les autres finiront de nous convaincre que nous avons fait le meilleur choix.
La cantine s’avère bien plus à notre goût que les repas sur la mer de Chine. L’ambiance est chaleureuse et cela même si l’alcool est interdit à bord. Nous ne tarderons pas à regagner nos pénates pour une bonne nuit réparatrice.
Mais avant, il faut recharger l’appareil photo, ces prochains jours vont être dantesque…. Tiens, mais où est le chargeur…? Viens alors le gros moment de solitude quand tu comprends qu’il ne fait plus partie du voyage, que nous avons 15 jours de pur nature de la mort qui tue qui nous attendent et que le chargeur n’est plus! (Je rajoute que nous sommes sans réseau, wifi ou quoi ou qu’est-ce pendant 3 jours!!! Arghhhhhhhhhhh!!! On respire, on se revigore, on pratique le lâcher prise… Et on s’endort en se rassurant que demain sera un autre jour. Le lendemain, nous sautons de notre couchette pour voir le paysage qui nous attend sous les premiers rayons du soleil.
Puis nous vivons une petite vie tranquille : petit déjeuner, devoirs, pause à l’extérieur jusqu’au déjeuner. Nous découvrons le bateau, les cuisines, le pont avant arrière. Les discussions s’amorcent avec les autres passagers. L’ambiance est très relax et tout le monde apprécie déjà les paysages alentours. Le temps est mitigé ce qui ne rend pas grand-chose sur les photos mais croyez-nous, nous nous régalons. Le briefing du matin nous a livré les points clés du voyage et nous croisons les doigts pour rencontrer quelques baleines (et trouver un voyageur qui aurait le même chargeur que nous).
À partir de 14 heures, nous rejoignons la haute-mer et ses roulis réguliers. Pour le moment, c’est gentil. Nous sentons que tous les passagers se préparent au grand passage. Petite sieste, lecture, un peu d’iPad pour les petits et même le match Barça/Atlantico. Que demande le peuple!
Par contre, le tangage commence à nous gagner et nous finirons l’après-midi sur le pont à respirer le bon air en gérant comme nous pouvons les vagues qui se creusent de plus en plus. Occasion pour notre Mini-Flamant de repeindre les hublots du dessous, ou encore de faire d’autres rencontres avec des français de voyages.
Échanges d’expériences, d’adresses et de bons plans. Nous nous racontons nos vies et nous pensons un peu moins au moment présent. La case repas sera sautée par Maman Flamant (le retour en intérieur fut fatal), raccourcie pour Mini-Flamant qui rejoindra très vite sa maman sur le pont en attendant ceux qui avaient un peu plus d’appétit. Nous jouerons la carte « mer calme » pour miser sur un bon dodo. Apparemment le pire reste à venir avec le passage du Golf de Penas avant de regagner toute plénitude dans les labyrinthes des fjords. Désolé, pas plus de photos, nous n’étions pas biens ;)))
Nous n’avions effectivement pas tort. Nous confirmons, c’est un fait, nous sommes mieux couchés. Il faut se cramponner mais nous sommes mieux! Puis viennent les vrais creux, ceux qui t’emmènent du fond de ton lit à l’autre bout dans une bascule « légère », s’en suit des chaises qui se font la malle au bout de la cabine, des étagères qui valdinguent avec tout ce qui pouvait y avoir dessus. Un « Maman? » anxieux vient du lit du bas « T’inquiètes mon chéri quand tout sera par terre, ça n’ira pas plus loin ». Le Mer Calme commence à faire effet, ne reste qu’à se faire bercer un peu brusquement aux sons des casseroles et des équipements qui s’entrechoquent dans les cabines avoisinantes. Nous n’entendrons pas la lourde échelle qui se fracassera sur le sol et nous nous réveillerons avec un joli bazar sur une mer d’huile et de la neige sur les sommets! Nous avons survécu!!!
Le petit dej sera le bienvenu pour les estomacs un peu vides. Aussitôt sur le pont, le haut-parleur retentit pour appeler les passagers sur le pont avant et apprécier le passage aux abords d’une épave à l’histoire plutôt rigolote. Le capitaine de ce navire en provenance du Brésil avait déjà troqué sa cargaison de sucre dans un port précédent. Pour garder le butin, il coulera son bateau en pleurant devant les autorités la perte de la marchandise. Malheureusement pour lui, dans ces canaux aux profondeurs gigantesques, il choisira le seul spot qui ne l’est pas. Aujourd’hui ce bateau sert de phare dans la nuit noire.
Le temps s’éclaircit et nous laisse entrevoir une fenêtre de ciel. Il fait plutôt bon et nous apprécions tous le retour au calme sur le pont avant. Au passage de la vierge des navigateurs, notre navire sonnera 3 fois. Le ciel sera tellement clément que nous débuterons l’école sur le pont au bon air.
Nous croiserons un petit voilier se dirigeant tout droit vers la haute-mer. Nous nous sommes demandés à quel point, cela était ou non de la non-assistance à personne en danger de les laisser partir sans les avertir de la houle à venir.
Tout doucement, nous rejoignons Puerto Éden, un village de 178 habitants uniquement desservi par notre bateau. Aucune route d’accès. C’est l’occasion alors pour les habitants de venir charger les approvisionnements en crustacés, d’autres pour rejoindre Puerto Natales pour les grosses visites: médecin, dentiste… ou accéder aux circuits routiers. C’est aussi l’occasion de recevoir leurs commandes en provenance de Puerto Montt: matériaux de construction, électroménager. C’est le seul moment où nous aurons une courte connexion pour tenter de joindre nos derniers hospedajes afin de retrouver nos fameux chargeurs. Sans succès. Maman utilise l’appareil avec parcimonie. Essayant de garder les 2 barres le plus longtemps possible! Et priant pour que Puerto Natales soit la Mecque du chargeur Canon, ou même juste une réplique!
L’après-midi se rythme doucement entre fin des devoirs, écriture au soleil devant les paysages somptueux où les eaux cristallines des glaciers viennent se fondre dans la mer créant des dégradés de bleus. Les cascades se mêlent au tombant rocheux. Des canaux partent de part et d’autres du chenal principal: c’est idyllique.
Certains méditent sur le pont ou font un peu de lecture, d’autres tricotent ou font de la vannerie. Maman Flamant repense avec nostalgie à ses petits tricots au coin du feu avec Fifi!!
Pour ajouter à la magie, nous avons même droit au PSG-Manchester City en direct!! Et des tournois de babyfoot! Que demande le peuple, vraiment, mis à part bien entendu que Paris ne vendange pas tant d’occasion au cours d’un match aussi important !
Ici, les conversations se lancent facilement. Il faudra attendre le dernier soir pour voir quelques passagers sortir rhum, vin ou autres alcools sans gêne. L’alcool est interdit à bord mais depuis le début les plus accros cachent leurs butin dans les cabines et les sortent au compte-goutte. Les Mini-Flamants, eux, amadouent tous les passagers en offrant leurs bonbons. Papa Flamant aura plus de facilités à discuter en espagnol avec chiliens, catalans (vamos Jordy), espagnols, argentins, colombien, brésilien, italien. Maman Flamant risquera quelques phrases avant d’en découvrir plus de nos passagers francophones. La plupart des voyageurs sont sur un long périple. 3/4 mois, même des durées indéterminées. Nous sommes dans les plus âgés et c’est amusant de découvrir les horizons de chacun. Beaucoup prennent l’opportunité d’un changement de boulot, d’un ras le bol d’une routine ou d’un monde du travail qui dans ses travers de la crise, ses coupures de budget pour toujours plus, ses tentatives d’uniformiser le tout parce que « ça marche ailleurs » ou « l’étude x a démontré que c’est ça qui doit plaire » dégoûtent de plus en plus de jeunes de leur métier, tuent tout leur engouement et créativité. Certains pensent à changer de carrière pour revenir à un métier plus manuel et reprendre du plaisir, d’autres de continent/pays: Australie, Canada… En tout cas, nous sommes tous d’accords: qu’est-ce que nous sommes biens ici!!!!!
Pour le dîner, nous partagerons notre table avec un italien retraité qui passe ses étés de l’hémisphère nord en Italie et quand vient l’automne, il retourne passer son été de l’hémisphère sud au Chili. Il a sa maison au milieu des champs. Il aime s’occuper de ses arbres fruitiers. Il nous parle de ses pommes bios avec tellement d’amour que nous sentons l’odeur d’ici. Ses mains délicates épluchent doucement celle qu’il trouve trop lisse et trop ronde. Il est très touchant. Il nous remercie même d’avoir partagé sa table. Quelle frustration encore une fois pour Maman Flamant qui ne parle pas assez bien et qui doit passer par Papa pour poser ses questions.
La dernière nuit se passe sans encombre et nous nous réveillons avec une magnifique lumière qui vient coiffer les collines et monts des alentours. Nous sortons admirer ce paysage digne d’un décor de cinéma tellement les roches du premier plan sont sculptées minutieusement, arborées avec goût et celles du second plan offrent déjà des neiges éternelles! L’air est un petit peu pinçant mais nous laisse immortaliser ce moment.
Ce matin, nous passerons des canaux de plus en plus étroits pour notre gros navire et nous sommes tous conviés à passer la tête au poste de commandes pour discuter des prochaines manœuvres du capitaine. Il reprend les manettes après une navigation quasi-automatique pour le 3/4 du temps. Quasi-automatique ne veut pas dire non surveillée. Ils sont 7, Capitaine compris, pour accomplir les 3 huit et renseignent heure par heure la position, le cap, la température… Et tout ça à la mano pour corroborer les données digitales et s’assurer d’un bon voyage. Quand nous arrivons sur l’espèce de compas qui indique le degré de tangage du bateau, le sous-capitaine évince la question qui concerne la tempête en répliquant qu’il n’a pas regardé, il était bien trop occupé à naviguer!
Un tableau attire notre œil en repartant. Il s’agit de répertorier à quelle distance des côtes les déchets peuvent être jetés par-dessus bord??!!!!????? Les plastiques sont complètement interdits mais tous les métaux sont dans la liste!!!!
Le passage le plus ardu sera vécu par tous les passagers sur le pont avant!! C’est juste juste et avec la vitesse, la manœuvre paraît effectivement maîtrisée. Le passage fait moins de 80 mètres de largeur. Il faut bien viser. Nous aurons juste attendu 1 heure que la marée soit moins haute et donc le courant moins fort, avant de poursuivre notre arrivée sur Puerto Natales.
Le dernier déjeuner n’a pas la même saveur. Chacun y va de ses derniers conseils, une photo de souvenirs, ou encore échanges de coordonnées. De jolies rencontres que nous ne voulons pas perdre de sitôt même si nos chemins se séparent. Nous allons nous suivre avec quelques-uns. Toutes les rencontres nous ont beaucoup touchés et il est drôle de voir quel lien ce voyage a créé.
Suite au prochain épisode!!
Vaya viaje !!!! vous aurez tout fait , que du bonheur et merci de partager, je me régale
Voilà un trajet qui fait rêver. Merci pour les photos et le récit de voyage. Je n’ai qu’une envie, faire de même un jour, à mon tour !
Et bien ..moi … comment dire … avec votre passage de la houle, des chaises qui valdinguent …vous ne m avez pas vraiment donné envie. .. en revanche ces rencontres et les liens qui peuvent se créer ds de tels moments sont vraiment uniques … il faut juste pouvoir assumer certaines difficultés. . Et vous enseignez cela aux mini flamands. .. une richesse inestimable..