Valparaiso n’est pas le petit village de pêcheur coloré imaginé. Elle n’en reste pas moins époustouflante. Cette grande ville, son port, ses quartiers bas et ses collines vallonnées nappées de bicoques colorées reflète l’expansion du port le plus important d’Amérique du Sud jusqu’à l’ouverture du canal de Panama. Depuis, malheureusement Valparaiso connaît un déclin que le tourisme tente de rattraper tant bien que mal.
A l’arrivée du bus, c’est l’effervescence: les sorties d’écoles, le trafic, bus dans un sens puis dans l’autre sans vraiment de panneaux indicateurs et le tout en espagnol. Après quelques allers-retours, nous embarquons dans notre mini bus local. Nous n’avons plus vraiment l’habitude de voyager avec notre maison sur le dos et nous voilà bien empruntés pour nous installer. Arrivés à la place Annibal Pinto, nous testerons directement la côte escarpée qui définit si bien Valparaiso. Notre petit appart est situé chez Gilles à la Bicyclette. Nous aurons de la place pour nous poser et nous partons quasiment dans la foulée arpenter ces rues multicolores.
Nous sommes situés près du Barrio Concepcion et Alegre qui sont les quartiers les plus touristiques. Les graphs colorés côtoient les boutiques bobos, les maisons à vendre et d’autres façades un peu délabrées. Un air de Porto se mêle à l’atmosphère. Côté fresques murales, nous ne savons plus où donner de la tête. La lumière du soir redore chaque peinture, c’est une chouette balade.
Dans ces quartiers assez côtés, il n’est pas forcément facile de trouver des restos bon marché. Nous trouverons une table très agréable dans un de ces établissements restaurés dans un style loft New-Yorkais avec une vue imprenable sur les collines colorées au coucher du soleil! Ça vaut bien un pisco sour!
Pour notre première journée, nous assisterons au tour « Tour4tips » qui propose une visite de la ville payable en pourboire. Nous serons beaucoup plus déçus que notre tour à Santiago. Le guide va vite, survole la moitié de l’histoire et nous lave le cerveau avec ses autres tours! Nous apprendrons tout de même quelques petites choses. Nous irons voir l’ancienne prison où étaient retenus les prisonniers « politiques » pendant la dictature. Elle est désormais complètement réhabilitée en espace de création face au nouveau centre culturel, et propose des endroits pour apprendre/affiner ses recettes de cuisines, ses tableaux, ses pièces de théâtre, sa musique. Etant donné la sombre histoire de l’endroit, les artistes ne sont pas encore très nombreux à l’utiliser.
Nous traverserons une multitude de quartiers aux allures abandonnées comme entièrement rénovées. C’est un peu ça Valparaiso: des restes d’années fastes où les hôtels de luxe côtoyaient les palais, des collines délimitées par les colonies qui y avaient élu domicile et le port et son activité le tout malmené par une activité tectonique régulière et une histoire économique qui sombrera peu à peu suite à l’ouverture du Canal de Panama. Aujourd’hui, Valparaiso va mal. Sa classe moyenne comme ouvrière ont déserté et l’argent manque. Le port n’emploie plus que 600 techniciens. Les reconstructions mettent un temps interminable si elles ne sont pas encore plus détériorées par l’activité sismique qui poursuit ses dégâts. Le constat est triste. Pourtant ces couleurs et ses labyrinthes de ruelles, escaliers, histoires et quartiers donnent l’espoir qu’on ne pourra pas laisser sombrer une ville aux racines si profondes.
Le midi, nous nous retrouverons dans une petite cantine de quartier au menu à rallonge très bon marché. Entrée, soupe, plat du jour (boudin purée!!!), fraises, Pisco Sour, un verre de jus et un café pour 6€! Au moment du repas, le patron nous reconnaît! La famille qui galère un peu dans le bus? Si, si, somos esa familia! Et Hop! Un dessert de plus! Nous nous régalerons tous avec ce boudin à la mode chilienne (ils ne mettent pas d’oignons mais des haricots rouges concassés, trop bon et bien moins gras!), le petit consommé d’asperges et les fraises!!!! Parfait avant une bonne séance de devoirs.
Avant la fin du jour, nous repartons déambuler dans les rues hautes qui nous entourent nous laissant porter par le vent. Musée des beaux-arts, nouveaux graffitis, les rues sont tranquilles et le soleil pointe son nez orange. Au détour d’une ruelle, nous tombons sur notre hôte qui rénove une autre maison et qui nous en fera la visite. Le soir, ça sera empanadas d’à côté avant une bonne nuit réparatrice pour 3 flamants, pendant que j’en profitais pour tenter de faire avancer le blog.
Le soleil se lève tard sur Valparaiso et à notre grande surprise, la ville est toujours plongée dans une brume ou sous un ciel grisonnant qui peut décider de se lever ou pas! Nous n’arrivons jamais à avoir cette lumière mordorée de l’aube. Sans résister de trop, nous en profiterons donc pour ne pas se lever si tôt que cela! Après un petit déjeuner où tous les matins nous faisons de nouvelles rencontres, nous partons en promenade à travers les cerros pour rejoindre la maison-musée de Pablo Neruda. Les 3 maisons de ce dernier sont ouvertes au public. La Chascona à Santiago, l’Isla Negra et la Sébastiana à Valparaiso. Amoureux de la mer sans être un valeureux navigateur, ses 3 demeures sont tournées vers sa passion. Celle de Santiago est en forme de phare et de bateau, celle de Valparaiso à une vue unique sur toute la baie. Ces maisons recèlent de trésors collectionnés par le poète, notamment lorsqu’il était ambassadeur du Chili à Paris. Nous nous attendions à plus d’excentricité tel que Salvador Dalí mais Pablo Neruda est juste un collectionneur original, et un épicurien. La visite nous en contera plus sur sa vie ici et ses habitudes. Ce bureau du dernier étage en aurait inspiré plus d’un. Nous tenterons de redécouvrir ses œuvres avec les enfants mais nous attendrons de meilleures traductions que celles proposées ici.
Le quartier qui jouxte la Sébastiana se compose de maisons encore plus basses et plus colorées. Les couleurs de ces maisons ont deux légendes: la première est que les maisons se montaient avec des matériaux de récupérations qui étaient de couleurs diverses, alors on eut l’idée de les uniformiser en les peignant avec les restes des peintures du chantier naval. La seconde aurait ensuite donné l’idée de peindre sa maison d’une couleur spécifique afin de l’identifier de loin et de servir d’adresse dans ces quartiers qui se sont construits sans permission, cadastre, ni même d’accès pour des voitures. Tu vois, là-bas, la maison jaune, à côté de la rouge, au-dessus de la bleue ? Et bien, c’est là que j’habite ! Facile non ?
Nous rejoignons l’ascenseur d’Espiritu Santo le long duquel nous nous perdrons dans ses dédales de fresques et des sculptures del museo al cielo abierto. Pour le déjeuner, nous pousserons jusqu’au marché central.
Ce marché de fortune est encore en contreplaqué. Au rez de chaussée s’entassent les vendeurs de poissons, légumes ou graines. A l’étage des restaurants censés être d’une fraîcheur exemplaire. La réalité est que les étalages ne sont pas si attirants que cela. Enfin quand nous arrivons à y accéder car à peine passée la dernière marche que nous sommes assaillis par 3 serveurs différents essayant chacun de nous vendre son resto, cassant les prix et multipliant les offres comparées à ses concurrents. Ça en devient tellement oppressant que nous fuyons sur les restaurants arrière. Là, la clientèle semble un peu plus locale et les serveurs moins agités. Le choix sera fait! Et nous ne serons pas déçus. Les portions chiliennes s’appliquant un peu partout, nos 2 plats servent à nourrir en générale toute la famille.
Nous poursuivons la promenade jusqu’au front de mer. Une fois encore, certains tronçons sont dans un bel état de délabrement avancé mais pourtant traversés par un tram dernier cri. A mi-chemin, nous tombons sur une colonie de lions de mer qui ont trouvé refuge sur un reste de plateforme! Ils font des sauts incroyables pour remonter dessus. Ils n’hésitent pas à se monter dessus pour se frayer un chemin, ça ne manque pas d’animation! Et nous qui nous extasions sur 2 pauvres lions de mer gisant sur la plage de Sand Flies à Otago.
Afin d’aller un peu plus loin dans notre découverte, nous partons le lendemain pour Quintay. Ce petit port à seulement 40 minutes de Valparaiso cache la plus grande « poissonnerie » du littoral. Les baleiniers y apportaient leurs trophées, il y a encore 50 ans. La pêche aux harpons explosifs a été un véritable carnage pour la famille des cétacés. Ils arrivaient à ramener une vingtaine de baleines en une journée. Ce qui prenait plus de temps étaient de les découper et l’odeur nauséabonde des baleines inondait le port la plupart du temps. Ce massacre prit fin en 1964 et toutes les infrastructures furent abandonnées.
Le petit port est aujourd’hui une agréable sortie balnéaire avec ses petits restos et ces entrepôts nourris d’histoire. Nous assisterons à un retour de pêche beaucoup moins morbide et aurons le plaisir de goûter au poisson fraîchement pêché!
Avant de partir vers d’autres horizons, nous nous représenterons pour une seconde visite de la ville axée cette fois vers les fresques murales et son histoire. Mais comme nous le rappellera le guide, l’histoire des graffitis est étroitement liée à celle de Valparaiso. Et nous voilà partis cette fois pour une visite beaucoup plus informative que la précédente. Ces mouvements de street art ne sont pas si vieux. Les artistes les plus connus sont de Valparaiso même. Les histoires contées par chacune des fresques traitent autant de la condition humaine que de politique ou de rêverie.
Nous prendrons un des nombreux ascenseurs qui gravissent les collines. Tout est encore dans le jus: rouages mécaniques, balancier, cabines en bois. Beaucoup de monuments ont souffert des divers tremblements de terres et des incendies. Les nouvelles constructions sont plus austères que les précédentes mais tout prend un temps fou et il n’est pas rare de voir des bâtiments encore en friche en plein milieu des quartiers.
Chaque colline a son histoire: quartier français, allemand ou italien, les marineros, les notables… Nous redescendrons finalement vers le port pour découvrir l’institution du Liberty: un des bars les plus anciens qui retenait les marins. L’un d’entre eux y a oublié son chapeau et depuis, la légende veut qu’on puisse y laisser le sien. La collection en compte plus de 300! Nous terminons la visite près du monument le plus important de la plaza Sotomayor. Ce mausolée offert par la France y remémore les grandes batailles menées par les chiliens. Les français moins au fait des animaux du pays se tromperont sur l’emblème sculpté. Ils y ajouteront un cheval au lieu d’un huemul. Un mauvais point pour nous ; mais ce sont les anglais qui avaient dessiné le modèle de la pièce servant d’expression de besoin.
Cette ville nous a charmés par toutes ces facettes, son histoire et ses couleurs. Petits et grands s’en sont mis pleins les yeux et nous repartons avec de beaux souvenirs. Direction Puerto Montt et les îles Chiloé tout aussi colorés nous a-t-on dit!!
Nous regagnons la gare routière pour notre Sleeping Bus de 13h jusqu’à Puerto Montt! Ici, c’est le luxe ultime! Big sièges douillets qui s’inclinent presque à l’horizontale. Manquerait plus qu’un appui pour les jambes et on se croirait en Business. Papa Flamant s’enflammera et nous annoncera même un petit dîner (encas) servi à bord. Bon à 23h, il a fallut admettre que le dîner était un pur fantasme et de nous rabattre sur notre paquet d’Oreo et de biscuits coco!! Nous aurons droit tout de même à un petit jus d’ananas au petit matin!! Grande classe!
Valparaiso, du lundi 21 mars 2016 au vendredi 25 mars 2016
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